L’absence de prise en compte des revenus du conjoint, partenaire ou concubin n’exclut pas toute incidence de la situation matrimoniale du débiteur.
Ce qu’il faut retenir
Les revenus du conjoint, partenaire ou concubin du débiteur de la pension alimentaire n’ont pas à être retenus au titre des ressources du débiteur.
Ces revenus sont indirectement pris en compte pour le calcul du revenu disponible en ce qu’ils réduisent les charges assumées par le débiteur.
RM Bouillon, JOAN du 6 déc. 2016, n°94713
Conséquences pratiques
Le calcul du revenu disponible d’un débiteur marié, pacsé ou en concubinage ne devra pas omettre de réduire les charges endossées par le débiteur de la part assumée par son conjoint, partenaire ou concubin.
Toutefois, un créancier d’aliments pourra se voir refuser le bénéfice d’une pension alimentaire pour absence de ressources du débiteur, alors même que ce dernier dispose d’un train de vie confortable intégralement financé par son conjoint.
Si le concubinage permet d’être discret sur la répartition des charges, le PACS et le mariage n’aggravent pas le montant de la pension. Cependant, lorsque le créancier d’aliments est le père ou la mère du débiteur, les liens d’alliance rendent le conjoint personnellement co-débiteur à l’égard de ses beaux-parents. Dans ce cas, il supporte directement la charge de l’obligation alimentaire.
Pour aller plus loin
Contexte
La loi impose une obligation alimentaire à l’égard des personnes qui présentent un lien étroit de parenté ou d’alliance :
- L’enfant mineur en cas de divorce ou de séparation des parents.
- L’enfant majeur.
- Les parents et autres ascendants en ligne directe sans limitation de degrés.
- Les alliés en ligne directe dans la limite d’un degré (gendre, belle-fille et beaux-parents).
- Les époux en instance de divorce, les époux séparés de corps, ou le conjoint survivant contre la succession du prédécédé.
En principe, l’obligation alimentaire est exécutée par le versement d’une pension alimentaire fixée en considération de l’état de besoin du créancier, ainsi que des ressources et charges du débiteur (C. civ. art. 208).
Les ressources prises en comptes sont essentiellement les revenus provenant de l’activité professionnelle du débiteur, les aides sociales, ainsi que les revenus qu’il tire de son patrimoine, ou ceux qu’une gestion utile de son capital pourrait lui procurer (Cass. civ. 2 du 21 janv. 1976, n°74-14266 et 74-14919).
Le débiteur doit être en état de fournir les aliments. Aussi, le débiteur ne pourra s’acquitter d’une pension alimentaire prélevée sur ses ressources que si ses besoins essentiels sont préalablement satisfaits (Cass. civ. 1 du 7 oct. 1997, n°95-18325).
Par suite, les charges destinées à satisfaire les besoins essentiels du débiteur et de sa famille réduisent son revenu disponible (dépenses de logement, nourriture, divers frais, etc.). Il revient au débiteur d’en apporter la preuve (Cass. civ. 1 du 18 janv. 1989, n°87-14849).
Ont cependant été rejetées :
- Les dettes consistant à réparer les conséquences civiles des délits commis à l’encontre du créancier d’aliments (Cass. civ. 2 du 20 juill. 1987, n°86-12450).
- Les charges résultant de la constitution d’un patrimoine immobilier (Cass. civ. 1 du 8 oct. 2008, n°06-21912).
La détermination du montant de la pension alimentaire doit-elle prendre en compte les ressources du conjoint du débiteur ? La réponse ministérielle Bouillon, publiée au Journal Officiel le 6 décembre 2016, répond à cette interrogation.
Réponse Ministérielle
Le texte de la réponse ministérielle rappelle le caractère personnel de la dette d’aliments pour en déduire qu’elle doit être fixée en considération des seules ressources du débiteur.
La réponse s’aligne sur la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle « les revenus du conjoint du débiteur de la pension alimentaire, bien qu’il puisse lui-même, le cas échéant, être tenu d’une telle obligation à l’égard du créancier, n’ont pas à être pris en compte au titre des ressources du débiteur ».
La Ministre relève néanmoins que les revenus de l’époux, partenaire ou concubin du débiteur sont indirectement pris en compte dans la mesure où ils permettent de réduire les charges assumées par le débiteur.
Les époux, partenaires et concubins sont ainsi placés dans une situation identique en ce qui concerne l’évaluation de leurs ressources et de leurs charges.
Analyse
La réponse ministérielle clarifie la situation et confirme le refus de prendre en compte les ressources du conjoint, partenaire ou concubin du débiteur de l’obligation alimentaire.
Seules les ressources du débiteur permettent de déterminer sa faculté de satisfaire à l’obligation alimentaire. Ainsi, le débiteur ne disposant d’aucune ressource personnelle ne pourra être tenu au versement d’une pension et ce, même si son conjoint, partenaire ou concubin perçoit des revenus (Cass. civ. 2 du 28 mars 2006, n°04-10684).
Les ressources du conjoint, partenaire ou concubin ont néanmoins une incidence sur la détermination du revenu disponible du débiteur, servant de base au calcul du montant de la pension alimentaire.
Cette position était d’ores et déjà celle de la Cour de cassation :
- En matière de concubinage (Cass. civ. 1 du 9 janv. 2008, n°06-21168)
- Dans le cadre d’un mariage (Cass. civ. 1 du 11 juin 2008, n°07-10285)
Si aucune distinction n’est faite quant à la capacité contributive d’un débiteur marié, pacsé ou en concubinage, les époux mariés sous le régime de communauté légale sont placés dans une situation particulière concernant le gage de la créance et sa charge définitive. En effet, « les aliments dus par les époux » constituent un passif définitif de la communauté (C. civ. art. 1409). Ainsi, aucun droit à récompense n’est dû à la communauté au titre des pensions alimentaires versées par l’époux débiteur. Plus encore, les créanciers sont fondés à saisir les biens communs pour obtenir paiement. L’époux non débiteur supporte donc indirectement l’exécution de l’obligation alimentaire.