Légifrance – 12/05/2016
Ne pas confondre prescription de l’action en réclamation du loyer et remise en cause de la clause d’indexation.
CE QU’IL FAUT RETENIR
– En cas d’oubli d’indexation des loyers, le bailleur dispose pour réclamer les loyers non perçus :
- du délai de prescription de droit commun de 5 ans,
- du délai de prescription de 1 an depuis la loi Alur en matière de baux d’habitation à usage de résidence principale, et l’indexation ne prend effet qu’à compter de sa demande.
– En revanche, les modalités de fixation du loyer pour les périodes de réclamation non prescrites ou l’avenir ne sont en rien impactées par une absence ou une mauvaise indexation pratiquée antérieurement.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 12 mai 2016
CONSEQUENCES PRATIQUES
La détermination du loyer se réalisera au regard du montant de l’indice de référence mentionné dans le bail, sans incidences des indexations non conformes réalisées les années précédentes.
POUR ALLER PLUS LOIN
Contexte
Les obligations issues du bail d’habitation n’étaient pas encadrées par la loi n°89-462. On se reportait donc à l’article 2224 du Code civil prescrivant par 5 ans les actions en paiement des loyers et des charges locatives. La Cour de cassation avait néanmoins jugé dans l’arrêt du 21 mars 2012 qu’une régularisation tardive de la part du bailleur, bien que le délai de prescription soit de 5 ans, pouvait être fautive.
La loi Alur du 24 mars 2014 a créé un article 7-1 dans la loi du 06 juillet 1989. Il modifie les délais pour agir. Ainsi, le principe est que toutes actions dérivant du contrat de bail est prescrite par 3 ans à compter du jour où le titulaire d’un droit ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit. Il est prévu un délai réduit d’1 an pour l’action en révision du loyer par le bailleur. Ce délai réduit d’1 an court à compter de la date convenue par les parties dans le contrat de bail pour réviser le loyer.
Si l’action en réclamation et en indexation se prescrit, la clause d’indexation se prescrit-elle, ce qui porte conséquence pour les loyers de périodes non prescrites et pour l’avenir ?
La Troisième chambre civile de la Cour de cassation répond dans arrêt du 12 mai 2016 publié au Bulletin.
Faits
– Une société a acquis le 18 octobre 2012 un local à usage d’habitation donné à bail à une personne physique.
– L’acquéreur a assigné le preneur en résiliation du bail et a également sollicité le paiement d’un arriéré de loyers au titre d’un rappel d’indexation pour la période du 18 octobre 2012 à juillet 2014.
– La Cour d’appel de Versailles a énoncé que « si la prescription interdit de réclamer des loyers quel qu’en soit le montant au-delà du délai légal, elle ne modifie pas les termes du contrat qui est la loi des parties et notamment les effets de la clause d’indexation. Il y a donc lieu de prendre en compte l’indexation du loyer telle qu’elle aurait dû intervenir dès l’entrée en vigueur du bail. Cette indexation doit être calculée à compter de janvier 1985 sur la base d’un loyer de 500 euros ».
La Cour d’appel a condamné le preneur à payer à la société bailleresse une somme de plus de 20 000 euros au titre de l’arriéré locatif jusqu’au mois de juillet 2014 inclus.
– Le bail s’est pourvu en cassation, au motif que depuis la loi Alur, « à défaut de manifester sa volonté d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’un an suivant sa date de prise d’effet, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de cette clause pour l’année écoulée et que si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d’un an, cette révision de loyer prend effet à compter de sa demande. »
Pour la période antérieure à la loi Alur, « la demande tendant à la mise en œuvre d’une clause d’indexation se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle elle aurait dû s’appliquer. »
Arrêt
– La Cour énonce :
- « Le preneur ne s’étant pas prévalu dans ses conclusions de l’application de l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 introduit par la loi du 24 mars 2014 qui nécessite, pour la période postérieure à l’entrée en vigueur de cette loi, que soit déterminée la date à laquelle le bailleur a manifesté sa volonté d’appliquer la révision du loyer, le moyen est de ce chef nouveau, mélangé de fait et de droit, et partant irrecevable. »
- « qu’ayant relevé que le bail comportait une clause d’indexation et que la société chargée de la gestion du bien avait commis une erreur dans le calcul de l’indexation et exactement retenu qu’il y avait lieu de calculer l’indexation du loyer telle qu’elle aurait dû intervenir dès l’entrée en vigueur du bail, à compter de janvier 1985, sur la base du loyer en vigueur à cette date ». La Cour d’appel a jugé que le preneur devait être condamné au paiement d’une somme de 20242,29 euros.
– Le pourvoi est ainsi rejeté.
Analyse
– Par conséquent, les délais de prescription de l’action en paiement ou en indexation des loyers n’ont en principe aucune incidence sur les modalités de fixation du loyer.
– Cette solution est transposable à l’ensemble des baux disposant d’une clause d’indexation automatique. D’ailleurs, en matière de baux commerciaux, la Troisième chambre civile de la Cour de cassation avait jugé dans un arrêt du 17 avril 1991 et un arrêt du 21 janvier 2014, que le seul fait que le bailleur n’ait pas réclamé le montant des augmentation dès leur prise d’effet n’implique pas de sa part renonciation à se prévaloir de la clause d’indexation.
– Néanmoins, la loi Alur impose pour que le bénéfice de l’indexation soit total que la demande soit réalisée dès la date d’indexation.