Le comportement dilatoire du propriétaire d’un immeuble indivis dans le but de retarder la vente peut caractériser une résistance abusive.
Ce qu’il faut retenir
La vente d’un bien détenu en indivision nécessite un accord unanime des propriétaires. Le refus de l’un d’eux fait obstacle à la vente.
Lorsque le comportement d’un propriétaire traduit une volonté de retarder abusivement la vente, il commet une faute de nature à engager sa responsabilité. Il risque alors d’être condamné à verser des dommages-intérêts.
Cass. civ.1 du 23 nov. 2016, n°15-15952 non publié au Bulletin.
Conséquences pratiques
Un propriétaire indivis est en droit d’exprimer son refus de vendre sa quote-part sur le bien. Ses indivisaires pourront alors chercher à bénéficier des solutions judiciaires permettant la sortie de l’indivision.
En revanche, si le propriétaire indivis consent à la vente, il doit accomplir avec diligence les formalités concourant à la réalisation de la vente.
L’arrêté du 10 janvier 2017 rénove les annonces relatives à la vente, à la location et à la sous-location non saisonnières publiées par des professionnels agissant pour mettre en relation les personnes désirant conclure une transaction immobilière (agents immobiliers, notaires…), à l’exception de ceux qui interviennent en tant que simples supports des annonces immobilières.
Pour aller plus loin
Contexte
Un bien est indivis lorsque plusieurs personnes possèdent des droits de propriétés de même nature et concurrent. Ce mode de détention implique des contraintes de gestion particulières. Ainsi, la vente d’un immeuble indivis est un acte qui requiert l’unanimité des indivisaires.
A défaut de pouvoir obtenir un consentement unanime, la vente devra être autorisée par le juge :
- Un indivisaire peut néanmoins être autorisé à conclure seul un acte de vente justifié par l’urgence et un intérêt commun (C. civ. art. 815-5 et 851-6).
- Un ou plusieurs indivisaires représentant au moins les 2/3 des droits peuvent solliciter l’autorisation de vendre le bien (C. civ. art. 851-5-1).
En pratique, il se peut qu’un indivisaire consente au principe de la vente du bien, alors que son comportement vise à retarder autant que possible sa conclusion. La Cour de cassation s’est prononcée sur la mise en œuvre de sa responsabilité.
Faits et procédure
Suite à la dissolution de la communauté qui existait entre eux, les biens des époux se sont retrouvés au sein d’une indivision post-communautaire.
Lors des opérations de partage, un des biens a été mis en vente et a trouvé acquéreur au prix de 355000 € net vendeur.
Le 8 juin 2007, l’ex-épouse a refusé de signer l’acte de vente faisant valoir qu’elle souhaitait être assistée de son notaire.
En octobre 2007, les acquéreurs ont maintenu leur offre d’achat. L’ex-épouse a alors demandé une augmentation du prix, tandis qu’un contexte général de baisse du marché était constaté.
En 2008, elle a sollicitée la suspension de la vente pour obtenir des garanties dans la procédure de divorce.
La vente est finalement intervenue le 16 décembre 2010, pour un prix de 325000 €.
Le 27 janvier 2015, la Cour d’appel de Lyon a retenu que l’ex-épouse avait fait obstacle à la vente. Elle avait ainsi commis une faute engageant sa responsabilité.
L’ex-épouse conteste cet arrêt en ce qu’il l’a condamné à payer à l’indivision post-communautaire la somme de 30000 € à titre de dommages-intérêts. Elle invoque l’absence d’abus caractérisé par son refus de vendre. Elle justifie sa résistance par la tentative concomitante de son époux de lui faire signer une proposition de divorce à l’amiable, et de partage de la communauté, ce que lui avait été déconseillé par son notaire.
Décision de la cour de cassation
La Cour de cassation retient les preuves de la résistance à la vente opposée par l’ex-épouse qui ont fondé la décision de la Cour d’appel.
Selon ses termes, « en l’état de ces énonciations et hors toute contradiction, la cour d’appel a pu retenir qu’en faisant obstacle à la vente, Mme Y… avait commis une faute engageant sa responsabilité ».
Elle écarte les arguments de l’ex-épouse et confirme sa condamnation à payer 30000 € de dommages-intérêts à l’indivision post-communautaire.
Analyse
La résistance à la vente caractérisant le comportement de l’ex-épouse a causé un préjudice à l’indivision post-communautaire dans un contexte de baisse du marché immobilier.
En effet, l’indivision n’a pas pu vendre le bien au prix stipulé dans le compromis initial de 355000 €, mais a finalement obtenu un prix réduit de 325000 €. Cet écart fonde le montant de l’indemnité fixée par les juges du fond et approuvée par la Cour de cassation.
Remarque :
La solution est identique en matière de démembrement. Le nu-propriétaire reste libre d’exercer ses droits de disposition sur le bien démembré, et notamment de ne pas donner son accord à la vente. En revanche, s’il consent à la vente, les juges ont eu l’occasion de constater qu’un revirement sans motif lors du processus de vente participait à caractériser un comportement abusif. En l’espèce, ce comportement était uniquement motivé par la volonté de nuire à l’usufruitière.
CA Paris du 18 déc. 2013, n°13/01689
Pour résoudre cette situation, l’ex-époux ne pouvait se prévaloir de la procédure exceptionnelle de vente d’un bien indivis, ouverte aux seuls indivisaires détenant au moins 2/3 des droits indivis (C.civ. art. 815-5-1).
En revanche, l’autorisation du juge de vendre le bien aurait pu être sollicitée sur le fondement de l’article 815-5 du Code civil, en démontrant que le refus d’un indivisaire met en péril l’intérêt commun.
Exemple :
Un indivisaire a été autorisé à vendre seul l’immeuble dans une situation où l’autre s’opposait à la vente. Ce dernier se prévalait d’une « évaluation du bien très supérieure à la valeur marchande alors qu’elle était en constante diminution, et que cette exigence avait fait obstacle à la réalisation de la vente de l’immeuble en 2011 à un prix conforme à celui du marché ».
Cass. civ. 1 du 16 mars 2016, n°15-14959