Maintien viager dans l’indivision ou l’art du renouvellement par période de 5 ans.

Ce qu’il faut retenir

L’indivision est régie par le principe selon lequel nul ne peut être contraint de demeurer dans l’indivision (C. civil. art. 815). Mais il existe un certain nombre de cas où un indivisaire peut être forcé à demeurer dans l’indivision, notamment lorsqu’elle est d’origine successorale (C. civil. art. 821 à 823).

Les juges ont rappelé que si le conjoint survivant, copropriétaire avant le décès ou du fait du décès, d’une entreprise ou de locaux d’habitation ou à usage professionnel, peut demander le maintien de l’indivision successorale, ce maintien ne peut être ordonné jusqu’au décès du conjoint survivant.

En effet, le maintien peut être fixé pour une durée qui ne peut excéder 5 ans mais est renouvelable jusqu’au décès du conjoint survivant. En pratique, le conjoint pourra effectivement obtenir le maintien dans l’indivision jusqu’à son décès mais il devra, tous les 5 ans et ce jusqu’au son décès, demander au tribunal d’instance de prononcer ce maintien.

Cass. civ. 1, 12 juill. 2017, n°16-20915, Publié au bulletin.

Conséquences pratiques

En l’espèce, le maintien dans l’indivision visait moins à contraindre le co-indivisaire de rester dans l’indivision que de protéger ce dernier contre ses propres créanciers.

Les créanciers du co-indivisaire ne peuvent alors ni saisir la quote-part indivise de leur débiteur (C. civ. art. 815-17 al.2) ni provoquer le partage de l’indivision au nom du débiteur via le mécanisme d’une action oblique (C. civil. art. 1166).

Pour aller plus loin

Contexte

Le régime de l’indivision nécessite de partager la propriété de biens immobiliers ou mobiliers. Cette contrainte peut être pesante compte tenu de la gestion de certains biens, de leur entretien ou encore des besoins financiers des indivisaires. Pour cela un droit de sortie de l’indivision est prévu (C. civil. art. 815).

Dans le même temps, le partage de l’indivision peut également constituer une contrainte dans certains cas : certains co-indivisaires se trouvant contraints de racheter la quote-part indivise de leur co-indivisaire (partage partiel) d’autres se trouvant désormais en indivision avec de parfaits étrangers. Pour cela un droit au maintien est prévu dans certains cas particuliers (C. civil. art. 822).
Compte tenu du caractère coercitif du maintien, il est prévu pour une durée temporaire de 5 ans… mais renouvelable jusqu’au décès du conjoint survivant lorsqu’il est demandé par ce dernier. La Cour de cassation a récemment été saisie de cette question dans un arrêt du 12 juillet 2017.

Faits et procédure

Monsieur X décède laissant pour lui succéder son épouse, commune en bien et usufruitière de la totalité de la succession, ainsi que leur fils commun.

La société A, créancière du fils, assigne ce dernier ainsi que sa mère aux fins de partager l’indivision successorale et de procéder à la licitation de l’appartement dépendant de la succession.

L’épouse oppose à cette assignation, une demande de maintien dans l’indivision successorale en vertu de l’article 822 alinéa 2, et ce jusqu’à son décès.

La Cour d’appel accueille la demande de l’épouse et ordonne le maintien dans l’indivision jusqu’au décès de cette dernière, en considération de son âge (80 ans) pour lui éviter les difficultés qu’elle pourrait rencontrer dans ses rapports avec un étranger à la famille, notamment à propos de la répartition des charges de copropriété et de l’entretien de l’immeuble.

Arrêt

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel rappelant que, conformément à l’article 883 du Code civil, le maintien dans l’indivision demandé par le conjoint survivant, en l’absence de descendants mineurs, est temporaire : il est limité à 5 ans, renouvelable jusqu’au décès du conjoint survivant.

Analyse

L’indivision est régie par le principe selon lequel nul ne peut être contrait de demeurer dans l’indivision (C. civil. art. 815). Il faut néanmoins rapporter 2 exceptions :

  • Possibilité de surseoir à une demande en partage pour une durée maximum de 2 ans lorsque la réalisation immédiate du partage risque de porter atteinte à la valeur des biens indivis (en cas de modification imminente ou prochaine de la valeur des biens, par exemple un terrain qui deviendrait constructible) ou si l’un des indivisaires veut reprendre l’entreprise indivise (C. civil. art. 820).
  • Possibilité de maintien forcé pendant 5 ans, renouvelable, d’une indivision suite à un décès (C. civil. art. 821 et 821-1) et dans certains cas suite à un divorce (C. civil. art. 1476 et 1542).

En tout état de cause, si des indivisaires entendent demeurer dans l’indivision, le tribunal peut, à la demande de l’un ou de plusieurs d’entre eux, en fonction des intérêts en présence, attribuer sa part à celui qui a demandé le partage (C. civil art. 824).

Attachons nous plus particulièrement au maintien dans le cadre d’une indivision successorale (C. civil. art. 821-1, 822 et 823)

  1. Circonstances ouvrant droit au maintien de l’indivision successorale

    Les conditions permettant à un héritier de demander le maintien de l’indivision successorale sont strictes quant aux personnes pouvant procéder à cette demande et aux biens susceptibles de demeurer en indivision.

    1. Local d’habitation et meubles meublants – Local à usage professionnel (C. civil. art. 821-1)

      Le local d’habitation ou à usage professionnel utilisé, à l’époque du décès, par le défunt ou son conjoint peut faire l’objet d’une demande de maintien.

      Cette demande peut être présentée :

      • En faveur des descendants mineurs : le conjoint survivant à la condition qu’il réside dans les lieux à l’époque de la donation, le représentant légal des mineurs ou tout héritier,
      • En présence des descendants tous majeurs : le conjoint survivant à la condition qu’il réside dans les lieux à l’époque de la donation et qu’il ait des droit en pleine propriété sur le local d’habitation ou professionnel, soit avant le décès, soit du fait d’une acquisition par la communauté soit du fait du décès (cependant un simple droit d’usufruit serait insuffisant).

      Remarque :
      Pour que le conjoint survivant puisse demander le maintien, il n’est pas nécessaire qu’il y ait des enfants communs. Cependant, le partenaire pacsé ou concubin ne peut demander le maintien en son nom (il le pourra néanmoins en sa qualité de représentant légal des descendants mineurs).

    2. Entreprise agricole, commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (C. civil. art. 821)

      L’entreprise exploitée par le défunt ou son conjoint peut faire l’objet d’une demande de maintien.

      Cette demande peut être présentée :

      • En faveur des descendants mineurs : le conjoint survivant, le représentant légal des mineurs ou tout héritier.
      • En présence des descendants tous majeurs : le conjoint survivant à la condition qu’il ait des droit en pleine propriété sur le bien, soit avant le décès, soit du fait d’une acquisition par la communauté soit du fait du décès (cependant un simple droit d’usufruit serait insuffisant).
  2. Modalité d’application du maintien dans l’indivision successorale

    Le maintien est forcé en principe pendant une durée de 5 ans. Cependant, le maintien peut être prolongé jusqu’à la majorité du plus jeune enfant mineur ou jusqu’au décès du conjoint survivant ayant demandé le maintien.

    La demande est adressée au juge du tribunal d’instance du lieu où le bien est situé. Le juge accorde ou refuse le maintien de l’indivision selon les circonstances et la situation des parties. Lorsque le maintien est prononcé, la décision du juge est publiée au fichier immobilier.

    Remarque :
    Ces mêmes biens (local d’habitation ou entreprise) ouvrant droit au maintien de l’indivision peuvent également bénéficier du droit d’attribution préférentielle (C. civil. art. 831 à 834). Le législateur n’a pas marqué sa préférence ni pour l’attribution ni pour le maintien de l’indivision en cas de pluralité de demande. On notera cependant une décision rendue sous l’empire de l’article 815, alinéa 3 ancien du Code civil retenant que la demande d’attribution préférentielle doit être examinée préalablement à une demande de maintien dans l’indivision et indépendante de celle-ci (Cass. civil. 1 22 mai 2007, n°04-20205).

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